Être un peu ingénieur, mais pas trop ; être un peu chercheur, mais pas trop ; avoir l’esprit business, mais pas trop ; avoir l’esprit d'entrepreneuriat : oui beaucoup !

NAPF a organisé le vendredi 28 avril 2017 un petit-déjeuner sur le thème de la stratégie et de l’innovation. Au cours de cet échange animé par Vincent Romon pour Deloitte, sont intervenus Jean-Baptiste Pondevy, cofondateur de Bimédia, Vincent Guesdon, directeur innovation chez Deloitte, Patrick Baudry, délégué innovation à BPI France et Stéphane Gervais, directeur innovation du groupe Lacroix.

La réunion débute par un point mensuel sur la conjoncture économique par la Banque de France : le contexte est toujours favorable, voire très favorable, à l’économie réelle du fait de la politique monétaire. La croissance des sociétés non financières se poursuit, les crédits à l’équipement maintiennent leur dynamique tandis qu’on observe une décélération des crédits de trésorerie. Malgré un léger tassement, les demandes de crédits restent à un bon niveau et l’obtention des crédits demeure relativement élevée (entre 68 et 82%), montrant le dynamisme de la vie économique locale. L’indice du climat des affaires est au-dessus de la moyenne constatée l’année passée à la même période. La tendance observée sur 14 variables étudiées conjointement révèle un climat très satisfaisant dans la même mouvance qu’au niveau national et ce, dans tous les domaines de l’industrie, avec une petite réserve toutefois concernant l’industrie agroalimentaire qui se trouve plutôt en phase de redressement. Enfin, sur une année, dans la région Pays-de-la-Loire, les défaillances reculent très nettement, bien en-dessous de la moyenne nationale.

Quels sont les outils pour la veille stratégique, pour quel horizon ?

Stéphane Gervais (Lacroix) différencie d’abord deux veilles : - la veille marketing, à un horizon d’environ 3 ans, qui correspond à la durée de lancement d’un nouveau produit ; - la veille stratégique, à un horizon supérieur à 3 ans, qui a peu d’impact sur les produits conçus aujourd’hui, mais qui apporte des éléments de réflexion à la direction de l’entreprise pour le développement de la stratégie.

Pour ces veilles, peu d’outils : il faut avant tout de l’expérience, de la pratique, des rencontres sur le terrain. Des événements comme le CES (Consumer Electronics Show) permettent par exemple de se tenir à jour et de sentir les tendances. Monsieur Gervais nous donne sa recette de ce que pourrait être un bon esprit de veille : “être un peu ingénieur, mais pas trop ; être un peu chercheur, mais pas trop ; avoir l’esprit business, mais pas trop ; avoir l’esprit d'entrepreneuriat : oui beaucoup ! “

La veille est donc un équilibre dans la perception, dans l'appréhension des choses. Jean-Baptiste Pondevy (BiMédia) insiste : il faut beaucoup d’expérience, beaucoup de feeling et bien connaître le parcours du client. Avant tout, l’effort de veille doit être partagé entre tous les collaborateurs. Il faut stimuler cette démarche, cet effort au sein de l’entreprise. Mais pour que cet effort soit efficace, cela suppose des choix : il faut bien déterminer dans quelles thématiques on souhaite écouter le marché. C’est pourquoi le processus de veille doit être bien “designé”. Par la suite, l’étude de la concurrence est un dispositif simple à mettre en place.

Patrick Baudry poursuit en soulignant que BPI France attache une importance primordiale à l’homme : il doit être visionnaire et sentir les choses. Si ce n’est pas le cas, BPI France insiste sur un nécessaire accompagnement, ce qui conduit alors au travail d’équipe évoqué par Jean-Baptiste Pondevy. La solution gagnante : “Etre à l’écoute du client d’aujourd’hui et du client de demain. Voir l’avenir, mais vivre dans le présent avec les solutions d’aujourd’hui.” Jean-Baptiste Pondevy revient enfin sur l’importance de ne pas s’éparpiller, en s’appuyant notamment sur sa propre expérience. BiMédia s’est concentré sur un seul métier. Arrivée sur un secteur structuré en monopole, l’entreprise a su repenser le marché grâce à sa connaissance du fonctionnement du secteur et des pratiques des commerçants.

Comment rendre l’innovation efficace ?

Il est d’abord rappelé que l’innovation n’est pas une fin en soi. Il faut être dans le concret. Pour Stéphane Gervais, une innovation efficace est une innovation supportée directement par la direction générale car, de cette manière, elle a déjà un pied dans l’opérationnel. L’innovation doit poursuivre un objectif : sans but précis, elle n’est que saupoudrage. Enfin, Stéphane Gervais a identifié, en s’appuyant sur son expérience à l’international, une sorte de préférence française pour les stratégies peu ambitieuses. L’innovation est en définitive à l’image de la stratégie. Patrick Baudry acquiesce. Il y a un cercle vertueux : une direction générale enthousiaste entraînera avec elle des innovations. En plus de la nécessité de se projeter, l’innovation requiert aussi des moyens, en particulier des besoins de personnel. Souvent, cela requiert l’intervention de tiers, d’où la création de partenariats. Pour cela, il faut transformer la relation client/fournisseur en une relation partenaire/partenaire.

L’innovation : la conséquence de rencontre ?

Il faut créer des possibilités de croisements, de rencontres. L’innovation fait inévitablement écho à la sérendipité . Ces opportunités de rencontres se retrouvent en particulier dans les pôles de compétitivité, d’où le conseil de Patrick Baudry : si vous êtes dans une thématique couverte par un pôle de compétitivité, il faut l’approcher. BPI France organise des événements pour créer du lien, comme l’événement “Welcome” avec des start-up. Il avertit à ce propos : il faut créer des partenariats avec ceux qui permettent de créer le plus de valeur, pas forcément les plus gros.

Quel management pour l’innovation ?

Si les collaborateurs participent à l’effort de veille, ils peuvent aussi être eux-mêmes la source de l’innovation. Stéphane Gervais parle de richesse interne avec de l’innovation potentielle mais cachée : il faut faire preuve d’une réelle volonté de travailler avec les employés en mettant en place des appels à candidature réguliers pour l’engagement des collaborateurs sur des projets innovants.

L’entreprise doit créer des canaux permettant de remonter l’information du bas vers le haut. L’innovation peut être transversale quand on sait écouter les salariés, quand on sait la saisir sur le terrain. Laisser les salariés introduire l’innovation à l’intérieur de l’entreprise, c’est ce qui a été appelé chez Deloitte “l’intrapreunariat”. Celui-ci repose sur l’initiative du collaborateur. Après acceptation d’un “innovation board”, des moyens sont mis en place pour aider à faire mûrir l’idée et la rendre plus concrète avec des solutions et des vecteurs d’innovation. L’engagement est une affaire sérieuse, il amène à réfléchir à tous les scénarios et à aller jusqu’au bout des idées. Cela exige de la confiance envers le collaborateur, en soi-même et, parfois, vis-à-vis du client. Enfin, l’innovation, c’est beaucoup d’échecs pour quelques réussites. Tous les intervenants parlent d’un problème culturel. En France, on a peur de l’échec, or l’échec fait partie du processus d’innovation. Il faut donc créer la culture de cette innovation au sein de l’entreprise en incluant le comportement à adopter face à l’échec. Là encore, les intervenants se retrouvent autour de l’idée du “fail fast, fail often”, il faut comprendre l’échec et vite passer à autre chose. En revanche, bien célébrer les succès avec les collaborateurs est essentiel !

Les freins structurels à l’innovation

Ce petit-déjeuner s’achève sur la question de savoir comment mener l’innovation dans des grands groupes ? Vincent Guesdon a, au cours de sa carrière, déjà observé des freins à la démarche d’innovation dans des grandes entreprises. Il n’existe pas de solution miracle de son point de vue : c’est dans la nature des grandes entreprises que de présenter des barrières à l’innovation. Lui-même ne rencontre pas personnellement cette difficulté car Deloitte est plus agile de par son organisation. La solution consiste peut-être à contourner le problème en externalisant le développement de l’innovation, c’est-à-dire à permettre un développement extérieur avant un retour vers l’entreprise. Quoi qu’il en soit, sans un ferme soutien de la direction générale, il n’en ressortira rien.

Rédacteurs : Jérémie Lannoy, Baptiste Pieau, Ronan Bellégo Licence 3 Comptabilité Contrôle Université de Nantes - IAE Nantes (Economie et Management)